Café éthique : l’animal

Le 6 février 2019 j’étais invité au Café éthique de l’école centrale de Lyon pour y parler de la philosophie de l’animal. Voici mes réponses aux questions posées.

  • Monsieur Schneckenburger, vous êtes philosophe et politologue. Traditionnellement là encore, une certaine tradition en philosophie, et non la moindre, réserve aux animaux un statut peu glorieux. Une théorie ancienne mais bien connue, dite « théorie des animaux machines », développée par Descartes, prétend que les animaux n’ont pas d’âme, et donc qu’ils ne peuvent même pas souffrir (la souffrance étant pour lui la répétition de la douleur physique au niveau de la conscience, dont les animaux sont justement dépourvus). Les animaux crient, disait Malebranche, comme « une roue grince quand on la tourne ».Si on fait un saut dans le temps, et qu’on en vient à l’époque récente, on voit que la philosophie s’empare à nouveaux frais de la question de l’animal pour en réhabiliter la sensibilité, et même l’intelligence. Pour l’éthologue Frans de Waal, nous serions nous-mêmes trop « bêtes » pour comprendre l’intelligence des animaux. Comment la philosophie s’intéresse-t-elle aujourd’hui, notamment à partir des avancées récentes de l’éthologie, aux animaux ? On peut peut-être commencer par vous-même : comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser, en tant que philosophe, à la question de l’animal ?

Je dirais en introduction que l’interrogation philosophique sur l’animal ne commence pas avec Descartes. Dès l’antiquité, des conceptions diverses de l’animalité se confrontent, et des sagesses lui attribuent des caractères distincts. Les pythagoriciens, par exemple, ou les épicuriens étaient végétariens. Rousseau l’a été également. Et puis n’oublions pas que le monde des grecs était enchanté, que les barrières entre espèces n’étaient pas si fermes, que les Métamorphoses d’Ovide, ou que Plutarque par la suite laissent entendre que la différence entre l’homme et l’animal n’était pas si forte.

Pour autant ce qui domine en philosophie c’est une double approche : idéaliste et anthropologique. Une tradition domine, l’idéalisme, qui, dès l’interrogation socratique, en vient à poser la question de l’essence des êtres, et donc a tendance à penser par différence. Or une question fondamentale concerne l’existence propre de l’humain : distinct par nature des choses, mais aussi des dieux. Et souvent l’homme occupe une place à part entière entre l’animal et le divin. On comprend d’ailleurs qu’en cela le cartésianisme reconnaisse à l’être humain un corps, comme les animaux, mais une âme, d’origine divine. On rencontre aussi cette spécificité humaine dès Aristote ; lequel définit l’homme commepolitikon zoon, animal rationnel qui par le langage peut penser la morale et la politique. Être spécifique en somme.

Bien souvent c’est moins de l’animal en tant que tel que l’on parlait que de l’homme.D’où le primat de l’humanité, qui possèderait une âme, ou une conscience. De ce fait notresociété moderneradicalise l’approche et tend à construire une spécificité humaine qui n’est pas seulement biologique – le mot même de biologie est lui aussi récent, de 1804 à peu près – et vise surtout à établir la morale et le droit des hommes, dans un univers polarisé par les dieux et les animaux. L’humanisme moderne part du sujetconscient et rationnel, et nombre de penseurs en concluent que rapporter un homme à un animal serait non seulement l’avilir, mais courir le risque de rendre possible une attitude immorale : là oùMontaignepensait qu’il n’y avait pas de grande différence entre les humains et les bêtes, Descartes, comme Kant, maintiennent une dignité humaine totalement spécifique. 

Pour ma part mon cheminement philosophiquea épousé cette approche. Comme beaucoup de philosophes j’ai eu une attitude idéaliste au départ, mettant l’accès sur la spiritualité de l’homme. Mais par la politique, je me suis découvert matérialiste, et donc d’une part j’ai rompu avec l’idée que l’homme était « avant tout une chose spirituelle » comme disait Saint Augustin, d’autre part j’ai rapproché l’homme de l’animal, par son corps. Ma thèsesur les matérialistes français – dont la Mettrie auteur de L’homme machine 1748– a peu à peu fait abattre la question de la spécificité. Ce matérialisme, je le dis au passage, n’empêche pas de penser une morale,ou pour être plus spinoziste, une éthique. Le matérialisme ne pense pas l’humanité comme une ruptureabsolue avec l’ordre du vivant, mais le palace en continuité : regardez l’article « Animal » de l’Encyclopédiede Diderot

Or aujourd’hui nombre des sciences humaines et de la vie adoptent – souvent sans le savoir – une attitude matérialiste : elle consiste à penser le monde à partir du monde lui-même et donc de ses réalités corporelles. Mon travail consiste notamment à réinvestir les problématiques classiques en philosophie : le sujet, la culture, la conscience, au vu de la connaissance nouvelle de l’animal.

Attention, l’animal machine de Descartes c’était un progrès épistémologique : on le pensait à partir de ses caractères corporels. Il en est de même aujourd’hui :l’éthologienous apprend que l’on connaît beaucoup mieux la diversité animale : l’instinct n’est plus aussi unilatéral, la communication plus complexe, etc. Mais cela ne concerne pas que l’éthologie : Eric Baratay par exemple, nous montre que l’on peut penser l’animal comme un sujethistorique, voire penser des histoires singulières comme celle de Zarafa, la girafe.

S’agissant de Descartes une dernière remarque cependant. On lui ferait un mauvais procèsen le rendant lui responsable des errements de ses disciples hétérodoxes – Malebranche – ou en accusant la modernité tout entièred’avoir causé les malheurs de l’animal. La souffrance animale, me semble-t-il a moins été causée par les philosophes que par l’organisation de la société par le capitalisme et ce que Marx dénonce à de nombreuses reprises, sonfétichisme de la marchandisequi transforme tout en marchandise asservie à la seule loi du profit.

  • Maître Symniacos [précédente intervenante]nous a permis de comprendre que l’animal était désormais un sujet juridique. Dans votre dernier ouvrage, vous proposez d’aller plus loin : l’animal n’est pas seulement un sujet juridique, c’est aussi un sujet politique. Est-ce que vous pouvez nous expliquer cette démarche ? Comment la prise en compte des animaux peut-elle nous aider à élargir notre vision de la citoyenneté ?

Les débats les plus récents à propos de l’animalitéconcernent le rapport éthique que nous pouvons ou devons entretenir avec eux.Cette question a été popularisée notamment par les associations de défense de la condition animale.Les opérations visant à dénoncer les conditions, souvent affreuses, dans lesquelles les animaux sont conduits aux abattoirs, puis exécutés dans de grandes souffrances, ne viennent que parachever un long mouvement de prise de conscience, depuis l’instauration des premières Sociétés protectrices des animaux, au milieu du XIX° siècle. Ces dernières ont concerné d’abord les traitements cruels, en refusant peu à peu les combats entre, ou contre les animaux, en sensibilisant à l’abandon des animaux domestiques. Il s’agissait ici de protéger tout autant la morale humaine de la perversité. 

Or ces approches morales et juridiques concernant la souffrance sont critiquées par certains auteurs qui dénoncent leur incapacité à faire changer les choses. La massification de l’abattage atteint des chiffres inimaginables : en France chaque année sont abattus 1 milliards d’animaux de boucherie.Dans le monde40 millions d’animaux par an sont tués pour leurs fourrure, et on prélève près de 600 000 tonnes de poissons. Ils appellent à passer de la question morale de la souffrance à une approche politique.

Avant d’étudier la nature politique des relations que nous pourrions avoir avec les animaux, chacun peut observer que laquestion animale devient un sujet politique.Des associations interpellent l’opinion publique et les législateurs sur la condition animale. Elles réclament l’encadrement ou l’abolition des conditions d’élevage et d’abattage des animaux. C’est une cause politique au sens noble du terme car elle appelle une redéfinition des notions de bien commun, d’intérêt général.

Je signalerai une approche qui vient du monde anglo-saxon et dialogue avec les éthiques animales qu’elles supposent inaptes à arrêter la souffrance de masse, celle liée à l’élevage, etc. Elle vise à penser un statut politique pour l’animal qui , contrairement à la définition aristotélicienne, n’a pas de langage. Nous ne pourrions pas discuter avec eux. Or il y a déjà des cas où l’on peut faire de la politique avec ceux qui ne parlent pas : le principe de responsabilitépensé par Hans Jonas inclut dans le vouloir politique la vie des générations futures, qui par définition ne sont pas encore des citoyens. MM. Donaldson et Kymlica dans Zoopolis,ou Corinne Pelluchon dans le Manifeste animalistevont plus loin. Leur point de départ commun consiste à admettre que l’on peut attribuer à l’animal un statut de sujet,même s’il ne repose pas sur l’hypothèse de la conscience. Parce que tout animal est un être sensible, ce qu’on appelle désormais sentient, et parce que nombre d’entre eux agissent, ils sont sujets à des droits inaliénables. Ainsi l’universalité de droits pour tout sujet animal – humain compris – ne signifie paségalité ou identité parfaite, il peut y avoir des différences selon les statuts ou les espèces.Il faut donc penser de quelle citoyenneté peuvent relever les animaux. Ils préconisent de cesser de penser la citoyennetécomme relevant de la (1)capacitéconscienteet (2)reconnue juridiquement de participer à l’élaboration des lois : c’est déjàles étrangers ou les personnes sous tutelle. Il faut donc des portes paroles qui intégreraient la prise en compte des droits animaux dans les processus législatifs. Corinne Peluchon, par exemple, propose de « désigner des personnes chargées de veiller au sein des instances délibératives et non à leur marge, à l’inclusion de l’intérêt des animaux dans les politiques publiques. »

  • Cette prise en compte de l’animal comme sujet politique est-elle suffisante ? Nous aimerions ici nous repositionner sur le terrain qui est celui de l’éthique : est-ce que chacun d’entre nous, par ses manières d’exister, de sentir et de penser, n’a pas aussi un rôle à jouer dans la protection de l’animal ? À ce titre, les pratiques végétariennes et vegan vous paraissent-elles relever d’une véritable considération pour l’animal, ou est-ce simplement un effet de mode ?

Les « vegans » les plus radicauxnient non seulement qu’il puisse y avoir des usages légitimes et des relations équitables entre les humains et les animaux domestiques, mais certains, partisans de l’abolitionnisme absolu,voient dans les animaux domestiques des abominations, des monstruosités. Il me semblent qu’ils en restent à une conception figée de la nature, comme si les communautés hybrides faites d’animaux domestiques et d’humains ne relevaient pas de cette propriété de la nature à produire de nouvelles formes. Reproduisant l’erreur des cyniques qui croient à une nature intangible, ils ne peuvent concevoir que le fait culturel de la domestication n’est pas contre-nature, mais le fait de la dialectique nature culture. Dans la nature, entre espèces, les animaux ne semblent pas respecter certains de ces droits. Si, à titre parfois de provocation, on peut se demander quelle doit-être notre attitude face au lapin poursuivi par le renard, certains auteurs se demandent quel sort réserver aux habitudes alimentaires que nous avons développées chez nos animaux familiers. Plus difficile reste à étudier le cas de certains animaux domestiques qui ne pourraient retourner à un mode de vie authentique : par exemple nombre de poissons d’ornement dont la vie en bocal n’est pas satisfaisante, mais dont le retour à la vie sauvage est impossible.

Le capitalisme porte au plus haut degré d’exploitation ce statut de bien consommable et échangeable.

La marchandisation de tous les échanges a été dénoncée par Marx (1818-1883). Dans Le Capital, il montre comment les rapports sociaux sont peu à peu travestis par ce qu’il nomme le caractère « fétiche de la marchandise ». Les choses, mais aussi les animaux, et même les rapports sociaux, ne nous apparaissent plus que sous la forme de marchandises dotées d’une valeur d’échange, c’est-à-dire un prix. De ce fait le capitalisme porte une responsabilité très lourde dans l’exploitation de l’animal. Ce dernier n’est pas considéré comme un être sensible, mais une simple marchandise dont on peut, et donc on doit, tirer un profit pécuniaire. C’est ainsi que le mode de production des protéines carnées s’est inscrit dans le mouvement de taylorisation et ce dès le début du XX° siècle. Il n’y a qu’à voir le portrait fait par Hergé dans Tintin en Amérique des abattoirs de Chicago pour montrer l’ancienneté du processus. Une page de cette bande dessinée montre des vaches à la queue-leu-leu sur un tapis roulant les entraînant vers une machine infernale d’où sortent des boîtes de corned-beef. Le parallèle avec les chaînes de montage est édifiant, et semblables à ces engrenages qui entraînent Charlot dans son film Les temps modernes. L’animal, comme le travailleur, ne sont que des variables d’ajustement, devenues pures marchandises et quantités monnayables : qui aurait imaginé avant le scandale des lasagnes de cheval qu’il existait des « traders » spécialisés dans la spéculation sur des « granules » de cheval, congelées et transitant de pays en pays selon les variations des cours ?

Question commune aux deux intervenants pour lancer le débat avec la salle

  • Je m’adresse désormais à vous deux pour vous poser une question commune : le statut de l’animal introduit en 2015 dans la Constitution, comme « être doué de sensibilité », vous paraît-il suffisant. D’après vous, quelle définition de l’animal serait-il exacte d’intégrer à la Constitution et pourquoi ?

Depuis février 2015, en France, l’article 515-14 du code civil affirme que : « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent,les animaux sont soumis au régime des biens.» Cette formule semble bien ambiguë, dans la mesure où si elle commence par reconnaître un statut d’être sensible, elle ne fait de leur protection qu’une exception, les animaux restant soumis au régime des biens. Dans la législation actuelle, un bien reste entièrement dévolu au bon vouloir de son propriétaire, et par conséquent, hormis les dispositions concernant la cruauté, l’animal est assimilable à une chose inerte, alors même que qu’on lui reconnaît une sensibilité. Du reste, cette ambiguïté se renforce dans la mesure où les conséquences diffèrent de l’animal sauvage aux animaux familiers et plus encore à l’animal de consommation. Quelle sensibilité accordée aux animaux que l’on peut chasser sans d’autres interdits que ceux résultant de la sécurité ou du renouvellement du stock d’animaux susceptibles d’être chassés ? Quelle reconnaissance de leur sensibilité dès lors que les conditions d’élevage, d’abattage ou de transport des animaux nient toute sensibilité ? Le droit européen ne semble pas plus clair en cela qu’il dispose à l’article 13 du Traité sur l’Union Européenne que « (…) l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. » Là encore la sensibilté animale est évoquée, mais elle reste tributaire des traditions. Ainsi la corrida fondée sur la mise à mort après de nombreuses blessures des taureaux n’est pas concernée par le bien-être animal.

Aujourd’hui, l’éthologie rend possible la prise en compte de nombre d’espèces animales comme des personnes, capable d’être comme les auteurs de leurs actes : comme le fait remarquer Florence Burgat dans Être le bien d’un autre, l’animal est doué d’une intériorité avec des volitions même partielles, il a des sensations puisqu’il est sentient, et des formes de représentations lui donnant une connaissance du monde extérieur. Parce qu’ils ont un mouvement spontané, les animaux ne sont pas des choses, là où le droit continue de les assimiler à des choses, en les soumettant au régime des biens.

En ce sens une prise en compte des droits des animaux à vivre selon leur sensibilité commence par l’inscription dans les normes des dispositions par lesquelles la souffrance est diminuée– sans être encore totalement abolie.Les tailles des cages peuvent bien être augmentées pour les poules d’élevage, mais la récente loi « Egalim » sur l’alimentation consacre l’autorisation qui est faite de broyer les poussins mâles ou de castrer à vif les porcelets.

On le voit, ces droits accordés aux animaux semblent se heurter à la réelle prise en compte de leurs conditions de bien-être. Des travaux récents proposent de doter l’animal d’un statut particulier, celui de « personne non humaine », qui aurait l’avantage de ne pas statuer sur la nature consciente, rationnelle des animaux. On l’a signalé plus haut, il existe déjà des catégories inertes qui reconnaissent un statut de sujet pour des entités qui ne sont pas des individus humains : des associations ou des entreprises peuvent avoir le statut de personne morale, et ainsi ester en justice. Encore s’agit-il de collectifs de personnes humaines dira-t-on. Toutefois l’idée de personne jouit d’une antériorité par rapport aux catégories nées dans la conception moderne du sujet conscient.Lorsque Thomas Hobbes se réfère en 1653 à l’idée de Personnepour considérer l’État, il n’a pas pour référence la conscience– ce qu’interdit son matérialisme – mais l’antique notion de personne. La notion de personne n’est pas assimilable à celle de corps, car il faut un processus pour qu’un corps, naturel ou artificiel, soit reconnu et se reconnaisse comme une personne. La notion de personne dérive du théâtre. L’acteur prend la place d’un auteur absent. Les personnes naturelles que sont les corps humains ne sont perçus comme personnes que par leurs actes signifiants.La notion de personne passe par un processus de reconnaissance publique.

C’est la raison pour laquelle de nouvelles perspectives juridiques s’ouvrent par la reconnaissance d’un statut de personne non humaine, dotée de droit fondamentaux.Il s’agit de distinguer les droits fondamentaux de toute personne, humaine ou non, distincte des droits fondamentaux dont jouirait l’espèce humaine.Ces droits universels seraient ceux de ne pas être tué, enfermé torturé, des droits du vivant à accomplir son existence propre. En revanche, les humains pourraient avoir des droits spécifiques, compte tenu de leurs dispositions cognitives propres,comme le droit à la liberté religieuse – parce qu’ils forment des fiction et des croyances – ; le droit de vote parce qu’ils déterminent par le suffrage et le dialogue leurs règles. La notion de personne ajoute bien une forme de dignité dont ne disposent pas les choses.L’esclave romain était bien considéré comme un être humain, mais pas une personne, de ce fait il n’avait droit à aucune dignité.En accordant le statut de personne non humaine aux animaux, le droit ne remettrait pas en cause l’ancestrale distinction des personnes et des choses, mais étendrait tout simplement le nombre d’espèces qui deviennent sujets aux droit.

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