Dans un entretien paru dans Libération, Pierre Manent, disciple de Raymond Aron et chantre de la philosophie libérale défend, à la suite de son ouvrage situation de la France, son analyse du « problème » de l’Islam. Car pour lui il y a bien un « problème » de l’Islam, dont il rejette les responsabilités sur « les musulmans » comme sur la « laïcité » française.
Mais qui sont les musulmans ? Pierre Manent semble essentialiser, ethniciser les musulmans, en en faisant un tout, lié à la pratique religieuse, rattachée à l’Oumma, et en décrit les caractère par des clichés que ne renierait pas le Front National : boucheries Hallal, masculinité exacerbée, repli communautaire. Qu’est-ce que la laïcité ? pour l’intellectuel, elle se réduit à une forme de haine des religions qui en devient une forme de « tyrannie« .
Il reprend là les stéréotypes de la pensée conservatrice, qui rapporte les individus à leur origine supposée. Il pourfend la laïcité alors même qu’elle devrait constituer le lieu commun d’une discussion politique débarrassée des a priori. On retrouve ici l’arsenal idéologique revendiqué par Nicolas Sarkozy qui reçoit ici une onction universitaire. Son analyse s’interdit de voir que les causes du prétendu repli communautaire s’inscrivent également dans la géopolitique internationale qui fait en parties siennes les théories du choc des civilisations, refusant donc des destins communs en organisant des communautés. Il ne voit pas que la ségrégation raciste tient de faire valoir à la montée de la crise sociale depuis des décennies.
La République et la laïcité proposent heureusement un autre projet de société. On ne demande pas à l’individu d’où il vient, on ne le rattache pas, malgré lui, à une communauté. La liberté de conscience est garantie, pour les croyants comme pour les non croyants. La politique permet à chacun de proposer à tous un projet commun.