Il y a environ 500 ans que Machiavel a mis la touche finale à son De Principatibus. Rédigé en 1513, il finit la dédicace entre 1515 et 1516. Ce texte ne cesse de hanter la philosophie politique. Tour à tour vénéré et décrié, les plus grands s’y sont référé, comme Voltaire ou Gramsci, dans toutes les traditions de pensée.
En ces temps de crise de la politique, pourquoi ne pas retourner à la lecture de celui que Rousseau appelle dans le Contrat Social le livre des républicains ? Lecture magique, mais puisque l’auteur fascine,autant ne pas succomber à la fascination. Machiavel, dans ses œuvres comme dans sa vie n’est pas exempt d’ambiguïtés. Lire Machiavel, c’est d’abord faire des hypothèses

sur ses contradictions apparentes. Contradictions multiples. Le penseur qui ne cesse de se référer à l’histoire refuse de s’y fier et d’y voir un progrès. Celui qui semble faire de l’amoralisme un principe politique n’est pas sans convictions : écrivain du peuple, s’il s’adresse au Prince, c’est aussi parce qu’il profondément républicain. Il le payera cher. Conseiller de la République, au retour des Médicis soutenus par les espagnols contre les français, il est emprisonné, torturé, et voué à une période d’exil forcé pendant la quelle il écrit Le Prince, qui ne sera publié qu’en 1532, cinq ans après sa mort.
Machiavel est un penseur de l’action politique. Le truisme de cette affirmation n’est qu’apparent, car il y a bien d’autres manières de penser la politique, par exemple comme celles qui y voient l’accomplissement déterminé d’une essence des choses, ou du destin. Machiavel cherche à comprendre l’art politique – art plutôt que science, comme il faudra l’élucider. En parlant en effet de « l’arte dello stato », introduisant à cette conception moderne de la politique qui ne relève pas de la Cité, pas plus qu’elle ne s’incarne dans la personne du roi, il pense la figure moderne de la politique.
Il n’y a donc pas de nécessité à l’ordre politique, et comme le dira ensuite Hobbes, il faut savoir que les États sont mortels, il n’ont rien de naturel. D’où un

rapport à la fortune qui ne cesse de hanter Machiavel.
« Ainsi, la fortune, dans sa course impétueuse, va changeant, tantôt ici, et tantôt là, la face du monde » Capitolo, Poésies, in œuvres, La Pléiade, p.85
Les États meurent, les grands hommes meurent, comme Alexandre ou César. La politique relève donc de ces conditions. Pris négativement, cette idée semble annihiler toute action politique. En même temps elle rompt avec l’idée aristotélicienne selon laquelle par nature l’homme vivrait politiquement. Le politique, si il peut mourir, doit être institué. Dès lors il faut penser la possibilité d’une institution : c’est tout l’objet du Prince : le chapitre premier débute par la liste des manières dont les principautés s’acquièrent : par arme, par fortune ou par talent.
La politique suppose donc une égale part de liberté et de fortune, comme l’énonce le § XXV :
« Il peut être vrai que la fortune soit maîtresse de la moitié de nos œuvres, et qu’etiam elle nous en laisse gouverner à peu près la moitié. »
La politique devient un art, celui par lequel le politique saisit l’occasion, entrevoit dans les jeux de la fortune le moment de l’action. Ce n’est pas une science certaine, car souvent ce n’est que rétrospectivement que l’on connaît les causes de la déchéance – et Machiavel soumis à l’estrapade dans sa prison le sait bien. Pour autant le destin ne suffit pas : une part de liberté devient nécessaire. Reste à penser cet art.

Ne peut-on pas penser que Machiavel est aussi le penseur de la matérialité de la politique ?
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Il y va en tout cas de son vocabulaire et sa méthode
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