Ni héros, ni surhommes

Au début, c’était plutôt drôle. Chacun y allait de ses photos de petit plats ; de pains mal pétris et mal gonflés. On plaisantait sur le sport en chambre, le Karaté-cuisine, la relecture ou les films classiques.

Puis est venu le temps de l’héroïsation. Oui il faut saluer le travail des soignant.e.s, des pompier.e.s, des travailleurs et des travailleuses, du personnel enseignant…, mais ce ne sont pas des héros. Ils font avec dévouement, au bord de l’implosion, avec des risques pour nombre de professions, leurs métiers, du mieux qu’ils peuvent. Dans cette période de confinement, nous n’avons pas besoin de héros, d’héroïnes, ni de surhommes ou wonderwomen. Qu’ils et elles soient remercié.e.s d’être simplement ce qu’ils et elles sont, ne leur en demandons pas plus.

Désormais pour chacun.e d’entre nous, peu à peu se joue une petite musique lancinante, nous appelant à tous nous dépasser, être chacun à sa façon des super parents, des super confinés, des super télétravailleurs,… Les médias, avec souvent bonne intention, nous incitent à dévoiler nos secrets de confinés, nos recettes, nos manières d’occuper le temps. Que d’inventivités en effet. Et tout nous est offert : des films, des musées, des livres. À croire que nul n’a le droit de sortir de cette période sans s’être amélioré au moins dans un domaine.

Apparaissent des messages, parfois de philosophes, psychologues d’aventure plus inspirés, qui nous expliquent que « c’est dans l’adversité que l’on se découvre ». Que « dans le malheur jaillissent les vraies ressources ». Message peut-être parfois vrai. Mais message tellement culpabilisant. Pour toutes celles et ceux qui, dans leur métier, dans leur appartement confinés, n’y arrivent pas, ne supportent pas. Comment répondront-nous alors à la question « qu’as tu fais de ton confinement ? »

Non cette situation extraordinaire ne nous révèle rien de notre nature profonde, au sens où on y trouverait vraiment ce que nous sommes. Dire cela c’est dire à ceux qui supportent bien qu’ils sont forts, courageux, etc. et aux autres finalement qu’ils sont des ratés. Nous ne sommes pas vraiment « nous » parce que dans cette situation, nous sommes atteints, nous sommes détruits. L’être social que nous sommes vraiment n’est plus le même, et nous ne sommes pas vraiment humains dans la solitude ou l’isolement. L’âge des robinsonnades était pourtant révolu depuis longtemps. La situation ne nous réalise pas, elle nous affecte.

Et il faut se dire, et il faut nous dire, et il faut le dire qu’on peut tout-à-fait être fragiles, ne pas comprendre, ne pas réussir, et que ce n’est pas grave. Nous n’en sommes pas moins bons que d’autres. Notre existence court le risque de sa mise en échec, mais cet échec n’est pas notre nature, pas plus qu’il n’est définitif. Nombre d’entre nous vivent mal cette situation, et c’est tout aussi possible que de bien la vivre. Aucun jugement n’a de place ici.

Prenez soin de vous et de vos proches. Autant que vous pouvez. C’est plus que suffisant.

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