Emmanuel Macron était, disait-il en guerre contre la pandémie de covid, il est désormais entré en campagne électorale. Lors de sa dernière allocution la mesure la plus commentée a été celle de la mise en place du pass sanitaire, censé répondre à la quatrième vague de contamination. Les critiques se sont focalisées sur le caractère attentatoire aux libertés publiques et sur la mise en cause du secret médical.

Entendons nous bien. La vaccination aujourd’hui reste la seule alternative pour combattre une maladie contagieuse. La nécessité de vacciner une part très importante de la population, notamment adulte, fait pas l’objet d’un débat scientifique majeur. Cette fin justifie-t-elle les moyens adoptés ? Dans le cas de maladies contagieuses, l’obligation vaccinale, à terme, comme c’est le cas pour d’autres maladies, semble justifiée. Et ceux qui disent vouloir attendre plus de recul commettent une erreur et une faute. Une erreur, comme si la communauté scientifique n’avait pas mis en place des contrôles, précisément pour surveiller l’activité des laboratoires privés. Mesures d’autant plus efficaces que la technique vaccinale, dans ses différentes formes fait l’objet de publications et d’études régulières. Une faute enfin, car il y a comme une hypocrisie pour celles et ceux qui voudraient attendre de voir les éventuels effets sur d’autres, ou espérer que l’immunité collective sera atteinte grâce au geste des autres. Reste à discuter pour le moment le cas des enfants, le débat étant encore ouvert dans le milieu médical.
En instaurant le Pass vaccinal, Emmanuel Macron entend forcer la vaccination sans la rendre obligatoire. Le succès semble au rendez-vous vu le nombre de demandes en quelques jours. Pourtant là encore quelle politique à courte vue. L’annonce de cette obligation masquée engendre une saturation des centres. Elle a semé l’inquiétude pour toutes celles et ceux qui n’avaient pas encore pu fixer de rendez-vous, pris par la vitesse en pleine période estivale. Le coup est bien joué cependant : il oppose aux indécis ceux qui étant déjà vaccinés acceptent d’autant plus des mesures qu’elles ne les concernent pas, et qui comme tout le monde aspirent à une vie plus normale. A quelques mois de la campagne présidentielle Emmanuel Macron rassemble ses soutiens et divise ses opposants. Il fait oublier la part qui lui revient dans le retard dans les campagnes de vaccination : l’absence de sécurisation des commandes à l’automne, le pari fait sur le marché pour tester et vacciner avant d’enfin penser aux centres de vaccination. Son gouvernement avait accentué la défiance vis-à-vis des vaccins en décembre pour mieux masquer son manque d’organisation. Avec les variants, nous payons le retard, qu’il met sur le dos de celles et ceux qui n’on pas pu, et pour certains pas voulu, se vacciner. Lors du premier confinement, il avait fini par faire douter de la science, en mettant sur son compte la raison d’être des mesures absurdes, incohérentes, souvent attentatoires aux libertés sans autre cause que l’arbitraire. Il réussit là, en commençant par un débat sur l’obligation vaccinale des soignants, à transformer ceux qui étaient hier des héros en boucs émissaires.
Que les premières manifestations se soient déroulées sur le mot d’ordre de contestation du pass atteste là encore de son habileté. Il peut ainsi dénoncer la confusion qu’il génère entre défenseurs des libertés et complotistes. D’ailleurs la plupart des mesures attentatoires aux libertés ont été prises avant, quand manifester ou contester était presque impossible du fait de l’état d’urgence.
La diversion ne consiste pas seulement à détourner la responsabilité de crise sur les contestataires, elle lui permet de mettre en avant sa feuille de route : les contre-réformes pour lesquelles le système économique et médiatique l’avait conduit au pouvoir. Il annonce la reprise du saccage du droit à la retraite et à la protection sociale, avec d’autant plus de facilité que l’attention est obnubilée par le Pass sanitaire. Il est bien en campagne, et il commence par faire diversion. Il choisit les adversaires qu’il disperse et les amène sur son terrain. L’agenda sanitaire est le sien. Il n’agit pas là en lecteur de Machiavel, mais plutôt en lecteur de Sun Tzu et son art de la guerre. La tâche va être ardue pour l’opposition. Un discours raisonnable et critique sera peu audible : dénoncé par les complotistes et l’extrême droite comme trop conciliant, dénoncé comme complotiste par les soutiens du président en campagne. Il va falloir choisir son terrain, revenir sur les questions sociales, et reprendre la maîtrise de l’agenda. L’une des clés de la campagne à venir est claire : ne pas laisser l’exécutif mener le bal. Pour cela il faut créer l’événement, mais hélas il ne se décrète pas, la tâche est immense.