Pour qui fréquente les allées des super-marchés, le rayon « boucherie » est le lieu d’une nouvelle occultation de l’animal. Déjà, dans les rayons, les animaux n’y paraissent plus que sous une forme de marchandise pure. Des barquettes en plastiques propres présentent des morceaux en cubes, en filets, en haché, mais de l’animal entier, nulle trace, sauf parfois une image, plus souvent qu’une photo, le schématisant vaguement. Aujourd’hui les noms eux-mêmes changent : des parties anatomiques, re-visitées pour les besoins de la boucheries comme les côtes, le gite, etc…, sont remplacées par des fonctions : « à cuire, à braiser, à saisir, à mijoter… ». Cette préoccupation de l’industrie agroalimentaire ne répond pas seulement au manque de connaissance culinaire des clients, mais participe de l’oubli de l’animal. Comme le soulignait déjà Derrida dans L’animal que donc je suis,
« personne ne peut nier sérieusement et longtemps que les hommes font tout ce qu’ils peuvent pour dissimuler ou se dissimuler cette cruauté, pour organiser à l’échelle mondiale l’oubli ou la méconnaissance de cette violence (…) »
Déjà l’affaire des Lasagnes à la viande de cheval avait révélé la mondialisation de la marchandisation de l’animal, c’est-à-dire l’oubli de ce qu’ils sont – des êtres vivants, sensibles. Du cheval gambadant dans les prés à l’assiette, nulle trace. Nulle trace parce qu’il s’agissait d’une fraude. Pour autant l’emballage des lasagnes ne montrait pas non plus la vache, mais seul le « produit fini », avec « suggestion de présentation ». Ce qui se « présente » c’est alors un plat dont toute trace de relation avec l’être vivant a été rayée. Les boucheries chevalines de mon enfance avait encore l’honnêteté de présenter une tête de cheval en devanture. L’industrialisation et le capitalisme étendent sans fin le règne de la marchandise, nous faisant ici passer des vessies pour des lanternes. L’animal produit, c’est un animal qui existe sous forme de granulats congelés, des billes de cheval si l’on veut, qui s’échangent sur le marché, comme n’importe quel produit. On peut spéculer sur le zinc, l’or, le cacao ou le « granulat » de cheval.
[…] reste réduire : on s’émeut devant l’abandon des chats et des chiens, mais on ignore – car tout est fait pour l’ignorer – la réalité massive de la souffrance animale. Or celle-ci est immense comme le souligne […]
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